Le cinéma de Thibault

Le cinéma de Thibault

Holy Motors, le 4 juillet 2012 au cinéma ****

 

Holy Motors, le 4 juillet 2012 au cinéma ****

Holy Motors de Leos Carax

Synopsis


De l'aube à la nuit, quelques heures dans l'existence de Monsieur Oscar, un être qui voyage de vie en vie. Tour à tour grand patron, meurtrier, mendiante, créature monstrueuse, père de famille... M. Oscar semble jouer des rôles, plongeant en chacun tout entier - mais où sont les caméras ? Il est seul, uniquement accompagné de Céline, longue dame blonde aux commandes de l'immense machine qui le transporte dans Paris et autour. Tel un tueur consciencieux allant de gage en gage. À la poursuite de la beauté du geste. Du moteur de l'action. Des femmes et des fantômes de sa vie. Mais où est sa maison, sa famille, son repos ?

L'Avis de Thibault

Disparu de la circulation depuis 1999 et Pola X, soit plus d'une décennie, on était impatient de voir ce que Leos Carax pouvait nous réserver avec Holy Motors.

Une limousine blanche traverse tel un fantôme les rues de Paris. La ville semble s'être figée. À l'intérieur de ce véhicule au moteur silencieux, conduit par la mystérieuse et maternelle Céline, se trouve M.Oscar. M.Oscar n'est personne en particulier et tout le monde à la fois : de l'aube à la nuit, il prend l'aspect d'une mendiante boitillante, d'un être répugnant sorti des égouts, d'un riche banquier, d'un ouvrier spécialiste de la motion capture... Chacun de ses rendez-vous est préparé et fait l'objet d'un dossier : Quelle est sa nouvelle identité, son nouveau visage ? Qui est la personne qu'il doit rencontrer ? Et quelle est la situation ? Son travail consiste à entrer dans leurs vies. Le monde n'est pour lui qu'un immense plateau de cinéma. Sa limousine, c'est sa loge et paradoxalement, sa réalité : c'est ici qu'il se retrouve et se repose entre ces différentes scènes.

La séquence d'ouverture présente d'emblée l'idée principale du film. En nous montrant une salle de cinéma ou les spectateurs se contentent de dormir, Carax met en scène sa vision d'un cinéma moribond faute de public pour penser et réfléchir à sa signification. Holy Motors est une parfaite métaphore du cinéma, le retraçant de ses origines jusqu'à maintenant. Ainsi, les courtes séquences N/B servent d'intermède aux différents segments du film qui constitueraient ce commencement. Tout comme la motion-capture incarnerait la dernière grande innovation en date, pour le cinéma. Meme si la conception de cette séquence est à rapprocher des célèbres scènes de travail à la chaine des Temps modernes de Charles Chaplin. Magnifique mise en abime, mais aussi véritable interrogation sur le métier de comédien, Holy Motors est de ces films assez barrés sortant de l'ordinaire.

Véritable réflexion sur le cinéma, Holy Motors multiplie également les références cinématographiques et littéraires à chaque coin d'écran. Auto-citation d'abord puisque Carax convoque ses propres films, et en particulier Les Amants du Pont-Neuf. Référence également à La Belle et la Bête de Cocteau lors du troisième rendez-vous, ou le Monsieur Merde enlève la belle et l'emmène dans les égouts ou il lui fait porter une burqa pour la ravir définitivement aux yeux des autres.

Le réalisateur nous transporte dans un univers très atypique, au coeur du surréalisme. Une étrange poésie se dégage de chaque plan, qu'il soit cruel, sensuel, humoristique.

La performance de Denis Lavant, comédien fétiche de Leos Carax, est époustouflante. Il prouve ici son efficacité et sa polyvalence de jeu. C'est un acteur sanguin surprenant qui n'hésite pas à rentrer dans les extrêmes pour choquer et déranger. Il se métamorphose avec une grande habilité et passe avec une aisance déconcertante "d'un rôle à l'autre". Son interprétation est d'une grande complexité. On se demande d'ailleurs comment il n'est pas plus reconnu dans le cinéma français. La nomination aux Césars 2013 ne serait pas volée. On retrouve Edith Scob qui avait déjà tourné avec Leos Carax. C'était pour Les Amants du Pont-Neuf. Mais ses prises ont été coupées au montage. Dès lors, le réalisateur a absolument tenu à réparer cet affront : il lui a donc écrit le personnage de Céline, conductrice de limousines. Le masque qu'elle arbore à la fin du film renvoit au film de George Franju Les Yeux sans visage, comme un retour aux sources pour l'actrice. Elle est tout aussi juste et dégage une aura très lumineuse. Kylie Minogue, grisée en Jean Seberg, est surprenante, à des années-lumière de la star de la pop. Toute en retenue, elle est émouvante. Toute en retenue, Eva Mendes est fascinante, dans un rôle purement plastique. Son stoïcisme demeure infiniment mystérieux. Et Michel Piccoli fait une brève mais décisive intervention.

Il y a des moments de grâce indéniables comme la scène à la défunte Samaritaine. Alors qu'il retrouve son ancien amour à la Samaritaine à l'abandon, les retrouvailles deviennent elles aussi du cinéma, plus précisément une comédie musicale et fleurte avec l'univers de Jacques Demy. La scè,e évoque sans nul doute les Amants du Pont Neuf. L'épilogue est à la fois drôle et devient une réponse improbable à la question entendue dans Cosmopolis de David Cronenberg sur l'activité des limousines la nuit.

La musique est superbe, en particulier le concert d'accordéonistes cavalant à grandes enjambées dans une église pendant l'entracte. Mais aussi une remarquable utilisation du titre de Gérard Manset : Revivre. Quelle audace ! Néanmoins, le film pourra s'avérer dur d'accès pour ceux qui ne sauront pas analyser les images, les dialogues, le montage.

Holy Motors, c'est le regard de Leos Carax sur le Cinéma. On y plonge au cœur grâce à Leos Carax qui à travers une succession de personnages les plus atypiques les uns des autres, montrera sa vision du grand écran. Fable poétique et onirique, conte fou et farfelu, film expérimental et ultra-inventif, son dernier-né est une belle réflexion sur le métier d'acteur et une énorme déclaration d'amour au cinéma. Le film est un véritable hommage à l'art cinématograhique, tant qu'aux grands maîtres qu'à ses éventuelles descendants. Y a-t-il encore une place publique pour de vrais grands films d'auteur ?

Fiche Technique

Genre : Drame, Fantastique

Nationalité : Française et Allemande

Réalisation : Leos Carax

Interprètes : Denis Lavant, Edith Scob, Eva Mendes, Elise Lhomeau, Kylie Minogue , Michel Piccoli, Jeanne Disson, Leos Carax, Nastya Golubeva Carax, Geoffrey Carrey, AnabeLLe Dexter Jones, Reda Oumouzoune, Jean-François Balmer, François Rimbau, Elise Caron, Corinne Yam, Julien Prévost, Ahcène Nini, Matthew Gledhill, Hanako Danjo, Pierre Marcoux et Bastien Bernini

Durée : 115 minutes

Année de production : 2012

Attachés de presse : André-Paul Ricci et Tony Arnoux

Date de sortie : 4 juillet 2012

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02/09/2012
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