Le cinéma de Thibault

Le cinéma de Thibault

38 témoins, le 14 mars 2012 au cinéma ***

38 témoins, le 14 mars 2012 au cinéma ***

38 témoins de Lucas Belvaux

Synopsis


Alors qu'elle rentre d'un voyage professionnel en Chine, Louise découvre que sa rue a été le théâtre d'un crime. Aucun témoin, tout le monde dormait.
Paraît-il.
Pierre, son mari, travaillait. Il était en mer.
Paraît-il...
La police enquête, la presse aussi.
Jusqu'à cette nuit où Louise rêve. Elle rêve que Pierre lui parle dans son sommeil.
Qu'il lui parle longuement. Lui qui, d'habitude, parle si peu.

L'Avis de Thibault

Après une trilogie impeccable qui relevait d'un travail d'écriture remarquable, Lucas Belvaux continue son œuvre de moraliste. Librement adapté du roman Est-ce ainsi que les femmes meurent ? de Didier Decoin, 38 témoins part d'une idée originale : La condamnation de la lâcheté et de l'indifférence, un thème d'actualité dans notre société violente et individualiste.

Un meurtre sanglant a été commis de nuit dans une rue calme du Havre. L'émotion est grande dans le quartier. La police enquête, mais personne n'a rien vu ni entendu. La presse investigue. Seul Pierre, un homme plutôt renfermé et un des 38 témoins potentiels, va finalement avouer qu'il a bien entendu des cris épouvantables et vu ce qui se passait, mais qu'il n'a pas bougé. Seul contre tous, ce témoin impassible est crucifié par sa propre communauté. Ce n'est pas l'identité du coupable qui importe. La victime n'a pas plus de corps, juste une silhouette étendue face contre terre, un visage placardé au-dessus d'un autel de fleurs et de bougies, c'est tout. L'enquête policière n'intéresse pas le réalisateur, 38 témoins est un film sur la lâcheté collective et sur l'indifférence.

Lucas Belvaux sonde l'âme humaine. Le film se concentre sur un couple Pierre et Louise qui va devoir affronter l'épreuve du mensonge. Lui en effet a menti, elle en revanche était en voyage d'affaires au moment des faits. Le spectateur est un peu comme Louise qui devient notre enquêtrice et Pierre celui qui détient les clefs de l'énigme.

Lucas Belvaux fait preuve d'un talent de metteur en scène indéniable. Il sait mettre en scène un suspens même lorsqu'il n'y en a pas. Entre silence nocturne et hurlements à la mort, la mise en scène trouve son point d'orgue. Le film est brillant par la narration, les questions sur la culpabilité, la lâcheté, la justice, la société... Le scénario poignant met en scène des personnages criant d humanité. Il n'y a aucune compassion pour eux, et pas forcément de jugement, leurs actes ou l'absence d'acte parlent d'eux même. Belvaux se permet même de lorgner vers Hitchcock avec le voyeur type Fenêtre sur cour. La reconstitution du crime est intense et assez prenante : l'apogée de l'horreur est atteinte. La terrible scène de reconstitution finit d'enfoncer le clou. La messe est dite.

Le Havre semble être à la mode au cinéma en ce moment. Après Aki Kaurismäki et Fabien Onteniente, c'est au tour de Lucas Belvaux de prendre pour décor la grande ville portuaire aux avenues rectilignes nées de la reconstruction dans l'après-guerre. Le réalisateur de La Raison du plus faible opte pour des tonalités froides et grises. La lumière est admirablement maîtrisée, les cadrages esthétisants au possible, ce qui nous vaut entre autres des vues superbes des installations portuaires. La musique signée Arne Van Dongen est à la fois discrète et d'une intense poésie, laissant le beau rôle à celui qui constitue le plus grand acteur du film, le silence.

Yvan Attal enchaîne son deuxième film avec le réalisateur. Leur précédente collaboration a été sur Rapt en 2009, pour lequel le comédien a perdu 20 kilos. Quasi-muet, il est parfait dans son effacement progressif. La scène de l'aveu est une vraie réussite. Sophie Quinton réussi à tirer son épingle du jeu. Elle incarne Louise, torturée par le comportement erratique de son mari Pierre. On a plaisir à revoir une Nicole Garcia pétillante devant les caméras.

Plus qu'un polar classique, le réalisateur belge livre une sorte d'œuvre intimiste et philosophique, où dominent les thèmes de lâcheté, de culpabilité et d'indifférence. 38 témoins est une œuvre forte qui interroge nos consciences avec une belle pertinence. Un Fenêtre sur cour qui fait froid dans le dos à tous les étages.

Fiche Technique

Genre : Drame

Nationalité : Française

Réalisation : Lucas Belvaux

Interprètes : Yvan Attal, Sophie Quinton, Nicole Garcia, François Feroleto, Natacha Régnier, Patrick Descamps, Didier Sandre, Bernard Mazzinghi, Laurent Fernandez, Pierre Rochefort, Philippe Resimont, Sébastien Libessart, Dimitri Rataud, Vincent Le Bodo, Anne-Sophie Pauchet, Jean-Pierre Guiner, Laurent Manzoni, Corinne Belet, Rose Folloppe et la voix de Lucas Belvaux

Durée : 104 minutes

Année de production : 2012

Attachée de presse : Marie-Christine Damiens

Date de sortie : 14 mars 2012

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17/03/2012
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