Le cinéma de Thibault

Le cinéma de Thibault

Le Fils de l'autre, le 4 avril 2012 au cinéma ***

Le Fils de l'autre, le 4 avril 2012 au cinéma ***

Le Fils de l'autre de Lorraine Levy

Synopsis


Alors qu'il s'apprête à intégrer l'armée israélienne pour effectuer son service militaire, Joseph découvre qu'il n'est pas le fils biologique de ses parents et qu'il a été échangé à la naissance avec Yacine, l'enfant d'une famille palestinienne de Cisjordanie. La vie de ces deux familles est brutalement bouleversée par cette révélation qui les oblige à reconsidérer leurs identités respectives, leurs valeurs et leurs convictions.

L'Avis de Thibault

Après La première fois que j'ai eu 20 ans et Mes amis, mes amours, Lorraine Levy revient avec un troisième long-métrage, Le Fils de l'autre.

 

A partir d’une intrigue proche de celle de La vie est un long fleuve tranquille, Lorraine Levy ausculte avec un indéniable doigté les thèmes de l’identité et de la relativité des prises de position de chaque individu. Avec délicatesse et tendresse, la réalisatrice s’attaque à un sujet familial entrant en résonance avec le conflit israélo-palestinien. Comment accepter l’autre, celui avec qui l’on est connecté mais qu’on ne connait pas, et pire, que l’on a appris à haïr depuis toujours? Comment réagir quand on ne reconnaît plus son frère avec qui l’on partageait tout et qui incarne désormais tout ce que l’on déteste? Comment ne pas être tenté d’aimer, en tant que mère, celui avec qui l’on est biologiquement lié? Enfin un film qui essaie de poser cette question fondamentale : Et si j'étais l'autre ? Si finalement la seule façon de faire la paix avec mon voisin, c'était en me mettant à sa place...

 

On ne peut toutefois pas s’emparer du sujet de la différence des situations sociales entre palestiniens et israéliens sans faire transparaître une ode à la tolérance frôlant parfois une certaine naïveté. Lorraine Lévy nous emmène avec humilité au cœur d'un sujet d'actualité en nous interpellant sur la véritable notion d'identité. Le corps du film repose sur les émotions que ressentent tous les protagonistes. Il est particulièrement intéressant de confronter un ado élevé dans la plus pure tradition juive à ses origines arabo-musulmanes, tandis que l’autre jeune homme découvre son ascendance juive au milieu de ses frères palestiniens.

 

Malheureusement le film pèche par les failles de son scénario. Le drame existentiel est au cœur de cette histoire poignante mais les doutes de chacun des protagonistes évoluent trop vite des sentiments on-ne peux-plus positifs pour donner une certaine véracité au propos initial. On reste assez dubitatif devant la facilité avec laquelle le conflit latent est désamorcé. Le Fils de l'autre passe à côté de quelques thèmes fascinants. Et notamment cette réflexion fondamentale sur l'identité, intimement liée à l'appartenance religieuse et communautaire. Juste évoqué lors d’une séquence chez le rabbin,  toute l’absurdité d’une religion qui se transmet par le sang reste figé sur ses fondamentaux sans tenir compte du parcours spirituel de chaque individu. De plus, les problèmes de religion ne sont évoqués que du côté juif, tandis que la religion musulmane n’est pas vraiment montrée. Joseph semble finalement réduit à ses interrogations enfantines : « mes parents m’aiment-ils toujours? », « Les autres seront-ils fiers de moi? »… Le personnage de Yacine, lui, est effacé par rapport à celui de Joseph qui se pose de nombreuses questions alors que son alter-égo a peu de répliques et donne alors l’impression de prendre cette quête identitaire à la légère.

 

On regrette aussi que les pistes intéressantes ne soient pas assez creusées, comme l’aspect communautariste de la religion juive avec la remise en question soudaine de la judéité de Joseph qui a pourtant suivi tous les préceptes, ou encore la douleur haineuse du frère de Yacine qui le pousse à renier celui qu’il adorait la veille, mais qui se laissera finalement convaincre.

 

Les acteurs sont bons et donnent du corps à leurs personnages toutefois trop convenus. Du côté des mamans, malgré un jeu impeccable et émouvant de la part d’Areen Omari, le rôle clé revient à Emmanuelle Devos dans sa maison de Tel Aviv. La césarisée pour son rôle dans Sur mes lèvres est magnifique comme d’habitude. Elle interprète son personnage avec beaucoup de sensibilité toute en intériorité. Pascal Elbé incarne le père de Joseph, un rôle pudique, touchant, presque silencieux. Jules Sitruk qui a bien grandi, est très juste. On a plaisir à découvrir un Medhi Dehbi beau, peu bavard, spontané et touchant. Il endosse le rôle du jeune Yacine, qui aborde ce drame familial avec charisme et maturité.

 

La conclusion du film est magnifique et donne à réfléchir : "Tu vis ma vie, ne la gâche pas". Petit regret, plutôt qu’un panoramique final dans lequel on ne voit qu’un des deux jeunes hommes, on aurait aimé les retrouver tous les deux, façon miroir.

 

Le Fils de l’autre traite de l’identité sous toutes ses formes mais n’est malheureusement pas à la hauteur de ses ambitions. Le film est finalement victime de ses bonnes intentions. Si seulement la réalité était aussi simple que ce long métrage, le conflit serait bientôt résolu…


Fiche Technique

Genre : Drame

Nationalité : Française

Réalisation : Lorraine Levy

Interprètes : Emmanuelle Devos, Pascal Elbé, Jules Sitruk, Mehdi Dehbi, Areen Omari, Khalifa Natour, Mahmood Shalabi, Diana Zriek, Marie Wisselmann, Bruno Podalydès, Ezra Dagan, Tamar Shem Or, Tomer Ofner, Noa Manor et Shira Naor

Durée : 105 minutes

Année de production : 2012

Attachées de presse : Michèle Abitbol-Lasry et Séverine Lajarrige

Date de sortie : 4 avril 2012

Vous devriez aussi aimer : Une bouteille à la mer, Va, vis et deviens ...
 
 
  


08/04/2012
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 28 autres membres