Le cinéma de Thibault

Le cinéma de Thibault

Polisse, le 22 février 2012 en DVD ****

Polisse, le 19 octobre 2011 au cinéma ***

Polisse de Maïwenn

Synopsis


Le quotidien des policiers de la BPM (Brigade de Protection des Mineurs) ce sont les gardes à vue de pédophiles, les arrestations de pickpockets mineurs mais aussi la pause déjeuner où l'on se raconte ses problèmes de couple ; ce sont les auditions de parents maltraitants, les dépositions des enfants, les dérives de la sexualité chez les adolescents, mais aussi la solidarité entre collègues et les fous rires incontrôlables dans les moments les plus impensables ; c'est savoir que le pire existe, et tenter de faire avec... Comment ces policiers parviennent-ils à trouver l'équilibre entre leurs vies privées et la réalité à laquelle ils sont confrontés, tous les jours ? Fred, l'écorché du groupe, aura du mal à supporter le regard de Melissa, mandatée par le ministère de l'intérieur pour réaliser un livre de photos sur cette brigade.

L'Avis de Thibault

Après un premier film documentaire autobiographique, Pardonnez-moi en 2006 et une comédie sur la face cachée du métier de comédienne, Le bal des actrices en 2009, Maïwenn revient avec Polisse, prix du Jury du 64e Festival de Cannes. Le film s'attache à décrire à la manière d'un docu-fiction le quotidien de la bridage de protection des mineurs : la BPM. Maïwenn se lance sur les traces de Police de Maurice Pialat et du Petit lieutenant de Xavier Beauvois.

Dès le début, une petite fille décrit avec sa candeur enfantine les attouchements que son père lui a ou aurait fait subir. Le mystère plane, nous ne saurons pas vraiment si elle dit la vérité ou si elle ment... Quelques scènes plus tard, nous retrouvons les policiers de la BPM à la cantine, racontant leurs histoires de couples, avec une certaine crudité, à la fois pour désamorcer la violence de ce qu'ils entendent au quotidien, mais aussi parce que cette violence a des répercussions inévitables sur leur vie privée.

Maïwenn semble être attachée à la thématique de l'enfance, toujours en lien avec un passé difficile. La réalisatrice n'y va pas avec le dos de la cuillère, tout y passe. Son intention est de brasser tous les délits, toutes les classes sociales, d'englober la société française pour la dépeindre dans ce qu'elle a de plus abjecte. Viols sur mineurs, pédophilie, violence, traite d'enfants, prostitution, roms, chinois, arabes, blancs, blacks, beurs, la France métissée de l'abus. Riches et pauvres confondus.

Elle s'associe à Emmanuelle Bercot pour la structure du scénario. Ensemble, elles manient brillamment le film choral et font alterner scènes de la vie privée et scènes de la vie professionnelle, les secondes révélant toujours quelque chose sur les premières. C'est avant tout la brigade que la caméra de Maïwenn va suivre, nous immergeant dans leur douloureux quotidien. Il est difficile d'entendre des horreurs toute la journée et de ne pas en ressortir écorché ou même meurtri. La vie privée devient chaotique quand la vie professionnelle est aussi rude et exige un tel dévouement dont il est impossible de ressortir indemne. Les blessures des autres ravivent les leur.

L'émotion est au rendez vous. Emotion parce qu'il est impossible de rester insensible devant cette scène douloureusement réaliste de cet enfant arraché à sa mère parce qu'il est impossible de leur trouver un foyer à tous deux. La scène est portée à la fois par la douleur de l'enfant et l'émotion de Fred. Emotion lorsque par un frôlement de main, une danse d'abandon, surgit une tendresse si longtemps contenue.

Maïwenn dirige d'une poigne de fer toute une galerie d'acteurs, habités par leur rôle. Dans le rôle de Nadine, la grande sentimentale du groupe, Karin Viard est à la fois insaisissable, touchante puis effrayante. Dans le rôle d'Iris le personnage le plus intéressant, Marina Foïs touche quelque chose de sublime. Leur duo est attachant. Elles entretiennent une complicité brutale, parfois drôle mais le plus souvent en souffrance. Joey Starr est fascinant dans son rôle de flic au grand cœur. Particulièrement touchant, il s'implique émotionnellement dans chaque dossier. L'acteur s'impose comme une figure de cinéma impressionnante de charisme animal et de sensibilité à fleur de peau.
Elle s'immisce aussi au cœur des émotions en se donnant le rôle voyeur d'une photographe mandatée par le gouvernement. Son personnage permet d'être l'oeil du spectateur et ainsi d'observer de manière plus intime ces policiers. La réalisatrice fait aussi appel à des nouvelles têtes comme Frédéric Pierrot et Nicolas Duvauchelle. Jérémie Elkaïm, l'acteur principal de La guerre est déclarée, incarne Gabriel, le personnage le plus intellectuel et le plus décalé de la brigade. Sandrine Kiberlain est bouleversante.

La relation qui se crée entre Fred et Mélissa adoucit la lecture du film, favorisant des moments de respiration dans un univers étouffant et brutal. La réalisatrice arrive aussi à développer une veine comique de manière intelligente. La scène où une jeune fille raconte qu'elle a fait des gâteries à ses copains pour récupérer son téléphone portable est à mourir de rire. La conclusion est un régal. Il y a d'ailleurs aussi une scène d'une violence inouïe. Quand Nadine saisit la gorge d'Iris, la frontière entre le jeu et le réel se confondent. La scène finale, bouleversante de beauté, est ressentie comme un vrai coup de poing, à la fois du côté de l'enfant victime que du côté de la brigade.

Entre docu et fiction, tragédie humaine et humour salvateur, Polisse est d'une cruauté implacable, bien loin de l'innocence de son générique enfantin.

Fiche Technique

Genre : Drame

Nationalité : Française

Réalisation : Maïwenn

Interprètes : Karin Viard, Joey Starr, Marina Foïs, Nicolas Duvauchelle, Maïwenn, Karole Rocher, Emmanuelle Bercot, Frédéric Pierrot, Arnaud Henriet, Naidra Ayadi, Jérémie Elkaïm, Riccardo Scamarcio, Sandrine Kiberlain, Wladimir Yordanoff, Louis-Do de Lencquesaing, Carole Franck, Laurent Bateau, Anne Suarez, Anthony Delon, Audrey Lamy, Riton Liebman, Sophie Cattani, Marcial Di Fonzo Bo, Lou Doillon, Patrick Le Besco et Gabriel Elkaïm 

Durée : 127 minutes

Année de production : 2011

Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs

Attachés de presse : Dominique Segall et Grégory Malheiro

Date de sortie : 19 octobre 2011

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22/10/2011
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